René Gateaux (5 mai 1889 [Vitry-le-François] - 3 octobre 1914 [Rouvroy])
René Gateaux est un mathématicien français du début du XXè siècle disparu précocement lors de la Première Guerre Mondiale. Né le 5 mai 1889, à Vitry-le-François, dans la Marne, il étudie au lycée de Reims, puis entre en 1907 à l'École Normale Supérieure, deux ans après la mort de son père. Parmi ses professeurs à l'École Normale officient notamment Hadamard et Borel. Durant son séjour à l'École Normale, il se convertit au catholicisme, apparemment avec ferveur. Il est reçu à l'Agrégation en 1910, puis effectue durant deux ans son service militaire.
En octobre 1912, il est nommé professeur au lycée de Bar-le-Duc. Il commence alors à préparer une thèse sur l'analyse fonctionnelle. Son projet est d'étendre les résultats classiques des fonctions analytiques aux fonctionnelles analytiques. En 1913, il obtient une bourse de la fondation David Weil pour aller à Rome. Il y séjourne d'octobre 1913 à juin 1914 et il travaille d'arrache-pied auprès de Volterra. C'est lors de ce séjour en Italie qu'il élabore une théorie de l'intégration en dimension infinie. Il parvient à en construire les bases qu'il expose dans plusieurs notes publiées aux Compte-Rendus de l'Académie des sciences de Rome.
Alors qu'il se prépare à repartir à Rome en septembre, Gateaux est mobilisé à Toul en août 1914. Après la bataille de la Marne, son régiment est engagé dans la course à la mer. Le 3 octobre 1914, Gateaux est tué sur la mitrailleuse à l'entrée du village de Rouvroy, à 10 km au sud de Lens que son régiment défend. Pour donner un ordre de grandeur de la tragédie qu'a été la Première Guerre Mondiale pour une génération de jeunes scientifiques, rappelons que parmi les 280 étudiants entrés à l'École Normale Supérieure entre 1911 et 1914, 105 sont morts sur le front.
C'est Hadamard le premier qui reconnait l'importance des quelques résultats que Gateaux a eu le temps d'obtenir. Il milite dès août 1915 pour qu'un prix de l'Académie des sciences lui soit attribué. C'est chose faite en 1916, où Gateaux reçoit le prix Francoeur. Par ailleurs, Hadamard transmet à Paul Lévy des brouillons de Gateaux. Lévy travaille sur des sujets proches. Il fait publier les manuscrits de Gateaux à titre posthume en 1919. En utilisant les résultats qu'ils comportent pour ses travaux en probabilité, il a beaucoup fait pour leur popularisation.
Aujourd'hui, le nom de Gateaux est resté dans le vocabulaire mathématique pour la différentielle de Gateaux. Si $E$ et $F$ sont deux espaces vectoriels normés et $f$ est une application d'un ouvert $U$ de $E$ à valeurs dans $F$, on dit que $f$ est différentiable au sens de Gateaux au point $a$ de $U$ s'il existe une application linéaire continue $L:E\to F$ telle que, pour tout $v$ de $E$ : $$\lim_{t\to 0^+}\frac 1t\big(f(a+tv)-f(a)\big)=L(v).$$ L'application linéaire $L$ est alors appelée la différentielle de Gateaux de $f$ en $a$. Cette notion était utilisée par Gateaux comme outil technique pour sa théorie de l'intégration en dimension infinie.
Cette biographie est très largement inspirée de l'article Les fantômes de l'École Normale de Laurent Mazliak.