Andreï Kolmogorov (25 avril 1903 [Tambov] - 20 octobre 1987 [Moscou])
Kolmogorov est une sorte d'Euclide du XXè siècle, son travail de formalisation des probabilités étant comparable à celui qu'avait réalisé son illustre ainé à propos de la géométrie. C'est aussi un mathématicien "au pays des Soviets", dont la production scientifique commence avec la Révolution d'Octobre 1917, et dont la vie se termine au début de la Perestroïka.
Andreï Kolmogorov est né le 25 avril 1903 à Tambov (à 500 km au sud-est de Moscou). Sa mère décède à sa naissance. Son père, agronome statisticien, futur ministre de l'Agriculture après 1917, s'occupe peu de lui. Kolmogorov est en fait recueilli par une de ses tantes, qu'il considèrera comme étant sa mère.
Après avoir quitté l'école, Kolmogorov travaille quelque temps comme conducteur de trains. En 1920, il entre à l'Université de Moscou. A priori, il ne se destine pas vraiment aux mathématiques, mais plutôt à l'histoire russe pour laquelle il se passionne. Inscrit aussi en métallurgie et en mathématiques, il manifeste pour cette dernière matière des dons exceptionnels. Alors qu'il n'a que 19 ans et qu'il n'est qu'au début de ses études universitaires, il obtient en 1922 un premier résultat d'envergure sur les séries trigonométriques : il construit une fonction intégrable $2\pi$-périodique dont la série de Fourier diverge partout ! Cela lui vaut une première reconnaissance internationale.
Après s'être intéressé à la logique, il commence en 1925 à travailler dans le domaine des probabilités, et il démontre le théorème des 3 séries avec Khinchine. En 1929, il soutient son doctorat. Durant les étés 1929 et 1931, Kolmogorov réalise de longs voyages à travers l'Europe avec son (grand) ami Aleksandrov, qui les emmènent notamment à Berlin, Göttingen, Paris. Kolmogorov en ressort avec la conviction qu'il faut réaliser un travail d'axiomatisation des probabilités semblable à celui d'Euclide pour la géométrie ou à celui d'Hilbert pour le reste des mathématiques. En 1933, il réalise ce projet en publiant, en allemand, Grundberiffe der Wahrscheinlichtkeitsrechnung (fondement du calcul des probabilités). C'est une contribution majeure, adoptée d'emblée par la communauté des mathématiciens. Elle permet notamment l'usage d'outils puissants comme l'intégrale de Lebesgue ou la théorie de la mesure au service de la théorie des probabilités.
La vie de Kolmogorov est bien entendu liée à celle du régime soviétique. Son amitié avec Aleksandrov, proche du régime, le fait apprécier du pouvoir. Il fait partie, dès 1938-1939, des scientifiques que Staline installe à la tête de l'Académie des sciences. Cela lui vaut des avantages tant financiers (datchas,...) que sur le plan des conditions de travail (même aux temps les plus durs du régime, il gardera accès à la littérature étrangère et pourra continuer à entretenir une correspondance avec le mathématicien français Maurice Fréchet). En contrepartie, Kolmogorov est une sorte de mathématicien officiel, ce qui lui vaut d'être en partie inféodé au pouvoir : en témoigne un article qu'il cosigne avec Aleksandrov dans la Pravda du 15 février 1974, intitulé "La trahison ne se pardonne pas", et où il félicite le président du Soviet Suprême d'avoir déchu Soljenitsyne de la nationalité soviétique.
Il est difficile de citer toutes les contributions de Kolmogorov. Citons pour mémoire :
- des travaux en cohomologie des groupes et la définition de l'opérateur nabla (en parallèle avec Alexander, vers 1935).
- des publications sur la théorie de l'information, qui complètent les résultats antérieurs de Shannon.
- des travaux en dynamique hamiltonienne, qui mènent à la théorie KAM (des noms Kolmogorov, Arnold, Moser), vers 1954.
- la résolution en 1957, avec son élève Arnold, du treizième problème de Hilbert : toute fonction continue de trois variables peut s'écrire comme somme de fonctions de deux variables.
Kolmogorov s'éteint le 20 octobre 1987, après avoir souffert, durant les dernières années de sa vie, de la maladie de Parkinson.