André Weil (6 mai 1906 (Paris)-6 août 1998 (Princeton))
André Weil (à ne pas confondre avec Hermann Weyl !), est né le 6 mai 1906 à Paris et décédé le 6 août 1998 à Princeton. Il est le frère de la célèbre philosophe Simone Weil. Pendant sa jeunesse, c'est un élève très brillant et très précoce. Il entre à l'École Normale Supérieure à 16 ans : le directeur de l'époque lui reproche de porter des culottes courtes. Il est de la promotion de Jean Delsarte, un an avant celle de Henri Cartan. Ce dernier restera son ami jusqu'à la fin de sa vie.
À la sortie de l'école, il est trop jeune pour accomplir son service militaire, et il profite de bourses pour étudier un an en Italie (à Rome), un an en Allemagne (à Göttingen). Puis de 1930 à 1932, il est professeur en Inde, à l'Université Aligarh Muslim, où il forge ses principes philosophiques. De 1933 à 1939, il est successivement chargé de cours, maître de conférences et professeur à la Faculté des sciences de Strasbourg. C'est l'époque de la création du groupe Nicolas Bourbaki, avec ses camarades de l'École Normale Supérieure. Weil y sera aux côtés de Dieudonné un des membres les plus influents, jusqu'à sa décision de quitter le groupe, comme il l'avait promis, le jour de ses 50 ans.
Il épouse Évelyne en octobre 1937, et ils auront 2 filles : Sylvie et Nicolette. Évelyne est l'ancienne épouse de de Possel, qui quitta Bourbaki à la suite du mariage de Weil. Ce ne fut pas le dernier mathématicien avec qui Weil se brouilla. Plus tard, ses disputes avec Grothendieck, Leray, Lang, provoquèrent les départs successifs de ceux-ci du groupe Bourbaki.
Passionné par les langues et la littérature, amateur très averti d'arts, Weil est en revanche peu intéressé par la physique, malgré quelques recherches dans le domaine des particules élémentaires.
Le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale est un vrai drame pour Weil. D'une part, il est juif. D'autre part, objecteur de conscience, c'est un antimilitariste convaincu, même si en tant qu'ancien élève de l'École Normale Supérieure, il est officier de réserve. Dès septembre 1939, il s'enfuit en Finlande, mais il est arrêté, ramené en France, et jugé à Rouen le 3 mai 1940. Il est incorporé de force comme simple soldat, mais il est très rapidement démobilisé suite à la défaite des armées françaises. Pendant l'occupation, il trouve refuge aux États-Unis, où il poursuit ses activités d'enseignement et de recherche. L'attitude de Weil pendant la guerre lui valut de nombreuses critiques ; elle fut aux antipodes de celle de sa soeur, qui fut une figure mythique de la Résistance, et qui en paya le prix. Pourtant, Simone et André Weil restèrent, même en ces moments difficiles, très proches. C'est notamment à elle qu'André adresse une lettre en forme de bouteille à la mer alors qu'il est en prison militaire, lettre qui aurait pu devenir son testament mathématique, un peu comme celle de Galois à Chevalier.
C'est donc Outre-Atlantique que s'établit Weil à partir de 1941. Au début, il enseigne au "Haverford College" et au "Swarthmore College", en Pennsylvanie. Puis en 1945, il accepte un poste à l'université de Sao Paulo, au Brésil. En 1947, il retourne aux États-Unis, d'abord à Chicago, puis à partir de 1958, il est professeur à la prestigieuse université de Princeton. Il prend sa retraite en 1976, devenant professeur émérite.
Weil reste néanmoins à Princeton, ne revenant en France qu'un ou deux mois par an, en profitant alors pour retrouver son ami Henri Cartan. La fin de sa vie est marquée par la perte d'Evelyne en 1986, quelques jours après ses 80 ans, ainsi que par une cécité grandissante. Il reçoit aussi de nombreux prix, comme le prix Wolf en 1979, le prix Kyoto en 1994. Entretemps, en 1982, il est élu à l'Académie des sciences.
Weil est probablement le fondateur de la théorie algébrique des nombres moderne. Lors de la publication de sa thèse, en 1928, il est obligé de chercher des rapporteurs à l'étranger, car en France l'analyse est reine. Son influence s'étend jusqu'à la démonstration en 1994 par A. Wiles du théorème de Fermat, à travers la conjecture de Taniyama - Shimura - Weil. Weil étudia aussi l'analyse harmonique dans les groupes topologiques. On lui doit notamment l'ouvrage fondamental L'intégration dans les groupes topologiques et ses applications.
Par ailleurs, l'oeuvre de Weil est indissociable de celle de Nicolas Bourbaki, dont le but était de donner une conception unifiée et rigoureuse des mathématiques. L'influence, notamment dans le domaine du vocabulaire et de la rigueur, de Nicolas Bourbaki sur les mathématiques contemporaines est très importante.
Weil n'était pas un grand orateur. Son style mathématique est un peu lourd, loin de l'élégance sarcastique de son autobiographie, Souvenirs d'apprentissage.