Forum de mathématiques - Bibm@th.net
Vous n'êtes pas identifié(e).
- Contributions : Récentes | Sans réponse
#1 16-03-2024 13:02:30
- Borassus
- Membre
- Lieu : Boulogne-Billancourt
- Inscription : 07-02-2023
- Messages : 728
La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
Bonjour à tous, et notamment "aux anciens" :-) à qui ce message est davantage destiné.
Je déteste absolument la présentation en Première de la fonction exponentielle de base $e$ — LA fonction exponentielle, comme s'il n'y en avait qu'une seule ! — sous la forme d'une mystérieuse fonction pour laquelle l'image de 0 est égale à 1 et dont la dérivée est elle-même. (La métaphore que j'utilise est celle d'un prestigitateur faisant lentement sortir un œuf de son foulard.)
On démontre les différentes propriétés de cette fonction, notamment $f(x + y) = f(x) \times f(y)$, et on l'appelle d'un seul coup "fonction exponentielle", sans même expliquer ce que signifie cet adjectif ! (Grrr !!)
[Ajouté] Et ensuite on dit qu'au lieu d'écrire $exp(x)$, on écrit $e^x$, $e$ étant le nombre défini par la limite $lim_{n to \infty} \left( 1 + \dfrac 1 n \right)^n$. Ploum !
L'un de vous m'avait écrit que les logarithmes étaient initialement enseignés avant les fonctions exponentielles. (Je me souviens qu'en Troisième il fallait savoir faire des multiplications et des divisions de grands nombres à l'aide de la table logarithmique, et que c'était demandé au Brevet.)
Pouvez-vous s'il vous plaît m'adresser des copies d'anciens manuels de Première me permettant de voir comment était présentée la fonction exponentielle de base $e$ ?
Merci d'avance.
Bonne journée.
B.
Dernière modification par Borassus (16-03-2024 13:50:05)
A condition qu'elle soit gênante, l'incompréhension est la clé de la compréhension.
« Pourquoi ? » est sans doute le principal moteur de la connaissance.
L'exigence précède l'expérience.
Hors ligne
#2 16-03-2024 13:41:35
- DrStone
- Membre
- Inscription : 07-01-2024
- Messages : 209
Re : La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
Bonjour Borassus. ^_^
Biensûr, voici comme ça m'a été enseigné : extrait du Queysanne-Revuz de terminales CDE (qu'on trouve sur manuels anciens). Cette présentation est mot pour mot la même présentation dans le Gourion-Novelli, étant donné qu'il s'agit du même même auteur : Marc Gourion. Attention, ce n'était pas la même époque !
Hors ligne
#3 16-03-2024 13:53:03
- Borassus
- Membre
- Lieu : Boulogne-Billancourt
- Inscription : 07-02-2023
- Messages : 728
Re : La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
Bonjour Doc ^_^
Merci de ces extraits que je vais étudier attentivement ce soir après mes cours du samedi.
PS : J'ai quelquefois le réflexe d'écrire $Log$. :-)
A condition qu'elle soit gênante, l'incompréhension est la clé de la compréhension.
« Pourquoi ? » est sans doute le principal moteur de la connaissance.
L'exigence précède l'expérience.
Hors ligne
#4 16-03-2024 23:04:51
- DrStone
- Membre
- Inscription : 07-01-2024
- Messages : 209
Re : La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
Bonsoir Borassus. ^_^
J'espère que tu prends autant de plaisir que j'en ai pris plus jeune à lire ce cours et (peut-être ? ^_^) réaliser les exercices associés ! Toute cette collection Queysanne-Revuz est grandiose et peu d'autres arrivaient, selon moi, à sa cheville. Peut-être que la collection Maurice Monge, plus accessible, était supérieure en termes de transmission des savoirs avec beaucoup plus d'applications directes et un cours beaucoup moins théorique (quoi que cela ait pu vouloir dire à cette époque) mais, à ma connaissance, aucune autre collection de manuels de Mathématique de cette période ne cherchait à enseigner les programmes d'alors de manière aussi maximaliste.
Dernière modification par DrStone (16-03-2024 23:34:52)
Hors ligne
#5 17-03-2024 12:48:12
- jelobreuil
- Membre
- Lieu : 17250 Pont-l'Abbé d'Arnoult
- Inscription : 14-09-2023
- Messages : 119
Re : La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
Bonjour Borassus,
Je suis assez étonné de ce que tu parles de la présentation de la fonction exponentielle en classe de première ! En effet, mes deux frères et moi, dans les années autour de 1970, n'avons étudié les fonctions logarithmes et exponentielle qu'en classe de Math-Elem ou de Terminale C : mon frère ainé en 66-67 et 67-68, moi-même en 68-69 et mon frère cadet, si je ne me trompe, en 73-74. Je viens de le vérifier : c'est moi qui ai conservé tous nos manuels de mathématiques, à partir de la sixième ...
Si tu le souhaites, je pourrai te faire parvenir une liste de ces manuels et des copies des pages qui t'intéressent ...
Bien amicalement, JLB
PS : Et je remarque que le document fourni par Dr.Stone est extrait d'un manuel de Terminale C ...
Dernière modification par jelobreuil (17-03-2024 12:56:28)
Hors ligne
#6 17-03-2024 14:28:42
- Borassus
- Membre
- Lieu : Boulogne-Billancourt
- Inscription : 07-02-2023
- Messages : 728
Re : La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
Bonjour Doc, bonjour à ceux qui suivent cette discussion,
Oui, j'ai parcouru les pages que tu as eu la gentillesse de nous communiquer.
Quitte à te décevoir, je ne partage pas du tout ton enthousiasme, et n'ai donc pas vraiment eu de plaisir à parcourir — plutôt que lire — ce cours :
Du fait de mon parcours mathématique quelque peu particulier — 1ère C, Terminale A (avec, quand même, l'option maths), Bac A, années de licence de russe, acquisition en autodidacte à partir de 23 ans des connaissances mathématiques jusqu'en Maths Spé, et un peu au-delà, enseignant à domicile et en stages depuis douze ans —, je suis complètement hermétique et réfractaire, et le devient chaque jour davantage, à cette "démonstratite" systématique qui consiste à vouloir démontrer, très souvent de façon parfaitement anachronique, chaque notion utilisée.
(Il y a une foultitude de choses pour lesquelles je n'ai pas besoin de démonstration ; lorsque je monte un escalier, je n'ai pas besoin qu'on m'explique que je gravis une suite arithmétique de raison positive avec paliers éventuels. [ajouté]De même, lorsque j'utilise un tournevis, je n'ai pas besoin qu'on me démontre son principe physique. [/ajouté] Je caricature, bien sûr, mais l'idée est là.)
Ce qui m'importe, c'est de comprendre, et donc, surtout, de faire comprendre, la logique et la raison d'être de ces notions, l'historique de leur élaboration — plus que les dates et les auteurs, c'est le processus de raisonnement qui me semble véritablement riche d'enseignement, lorsque toutefois il m'est intellectuellement accessible —, le couplage de chaque notion avec celles qui l'environnent, indépendamment des niveaux scolaires, l'utilisation concrète de telle ou telle notion en tant qu'outil de raisonnement pour pouvoir résoudre un exercice ou un problème en élaborant un fil conducteur prégnant.
Je passe donc très rapidement sur les démonstrations, qui me "gonflent" profondément, encore plus que mes élèves, pour concentrer mes explications sur la logique d'ensemble des notions vues en classe.
Une démonstration n'a donc pour moi véritablement d'intérêt que lorsqu'elle prouve une notion contre-intuitive, comme par exemple la somme infinie des inverses des carrés égale à $\dfrac {\pi^2} 6$ — qu'est-ce que $\pi$ vient faire là-dedans ??!! —, ou lorsqu'elle permet de retrouver facilement une formule facilement oubliable. (Par exemple, je me refuse catégoriquement à mémoriser les théorèmes de la médiane alors que je peux les retrouver en quelques minutes ; je les oublie d'ailleurs à peine sorti de chez un(e) élève à qui je viens de les expliquer.)
Pour revenir aux notions de logarithmes et d'exponentielles, j'explique qu'une fonction exponentielle de base $a$ est le prolongement aux nombres réels de la notion de suite géométrique de raison $a$.
Pour cela, j'utilise l'expérience de pensée d'une population de bactéries doublant chaque semaine, que j'ai trouvé dans un manuel de Terminale ES (de mémoire, c'est la seule fois où un manuel ait orienté ma démarche pédagogique) :
Une semaine avant le début de l'observation, la population était deux fois moindre ; deux semaines avant, elle était quatre fois moindre ; donc, contrairement à ce qu'on enseigne, un rang négatif a un sens.
Si on prend comme unité une journée de vingt-quatre heures, l'expression générale d'un terme est $P_0 \times 2^{\frac n 7}$ ; si on prend comme unité l'heure, l'expression générale est $P_0 \times 2^{\frac n {7 \times 24}}$ ; si on prend pour unité la minute, l'expression générale est...
Par extension, on construit ainsi la fonction exponentielle de base 2.
La fonction exponentielle de base $e$ — qu'on présente comme étant la seule — est donc une fonction exponentielle parmi une infinité d'autres, sa particularité très féconde étant que sa dérivée est elle-même.
Quant au couplage fonction logarithmique - fonction exponentielle, j'explique qu'au départ un logarithme est un procédé calculatoire imaginé au début du XVIIème siècle par l'astronome et mathématicien écossais Napier (le nom sans doute imprononçable pour un Français a donné Neper) permettant de convertir des produits ou des quotients en sommes ou en différences à l'aide de tables très précises établies à l'aide de techniques de calcul sophistiquées.
Un peu plus tard, on s'est rendu compte que l'aire sous la courbe $y = \dfrac 1 x$, comptée à partir de 1, présente des propriétés logarithmiques : GeoGebra à l'appui, je montre que l'aire de 1 à 6 est égale à l'aire de 1 à 2 plus l'aire de 1 à 3. L'attention et l'étonnement de l'élève sont alors au plus haut !
Cette observation a donné lieu au logarithme dit "naturel", dont la base était inconnue, la base d'un logarithme étant le nombre pour lequel le logarithme est égal à 1.
Ce n'est approximativement qu'un siècle et demi plus tard que Leonhard Euler — je dis à mes élèves qu'Euler est aux mathématiques ce que Mozart est à la musique, et qu'en plus il a été aveugle les trente dernières années de sa vie, ce qui est encore plus terrible que la surdité de Beethoven ! — a donné aux logarithmes un rang de fonction en institutionnalisant que la fonction logarithme de base $a$ et l'exponentielle de cette même base $a$ sont réciproques l'une de l'autre. (Il a ainsi établi le lien entre deux logiques différentes : fonction pour l'exponentielle, procédé calculatoire pour le logarithme.)
Cherchant à déterminer l'expression de l'exponentielle de base quelconque $a$ en tant que fonction réciproque du logarithme correspondant, il a déterminé, pour le cas particulier qu'était pour lui le logarithme naturel, que sa base a pour expression $1 + \dfrac 1 {1!} + \dfrac 1 {2!} + \dfrac 1 {3!} + \ldots$ et a attribué à cette base la lettre $e$, probablement parce que les lettres précédentes étaient déjà prises.
En dérivant le développement $e^x = 1 + \dfrac x {1!} + \dfrac {x^2} {2!} + \dfrac {x^3} {3!} + \ldots$, on s'aperçoit que la dérivée de $e^x$ est la fonction elle-même.
La limite $lim_{n \to \infty} \left( 1 + \dfrac 1 n \right)^n$, considérablement plus lente que le développement en série, qu'on présente classiquement comme étant la définition du nombre $e$ a été élaborée par Jacques Bernoulli, l'aîné du clan, qu'Euler n'a pu connaître. (Par contre, il a été en contact étroit avec la fratrie cadette de Jacques, notamment Jean.)
La démarche d'Euler a permis de faire le lien entre cette limite et le développement en série de $e$.
[Ajouté] Pour ce qui est de la dérivée de $ln x$, elle provient de la définition même du logarithme naturel : on s'est rapidement aperçu que le nombre dérivé en $x_0$ d'une aire à partir d'une valeur donnée sous la courbe représentant une fonction est la valeur de la fonction pour $x_0$. Donc, tout naturellement, la dérivée de $ln x$ est $\dfrac 1 x$, et la primitive à constante nulle de $\dfrac 1 x$ est $lnx$.
(J'explique que c'est du même ordre est d'affirmer que le méridien de Paris a une longueur d'exactement 40 000 km, puisque le mètre a été défini lors du processus révolutionnaire comme étant la dix-millionième partie du quart du méridien de Paris.)
Je peux vous assurer que ces mathématiques narratives, et non démonstratives, sont autrement plus intéressantes pour les élèves que les démonstrations barbantes vues en classe !
Pour terminer, je rappelle, comme le soulignait à un moment Michel, que les élèves ayant suivi la filière menant à "Maths Elem" représentaient une toute petite proportion d'une tranche d'âge. Ce qui signifie que ce qui était possible alors ne l'est plus actuellement.
Bon dimanche.
Bien cordialement,
Bor.
Dernière modification par Borassus (17-03-2024 15:16:46)
A condition qu'elle soit gênante, l'incompréhension est la clé de la compréhension.
« Pourquoi ? » est sans doute le principal moteur de la connaissance.
L'exigence précède l'expérience.
Hors ligne
#7 17-03-2024 15:53:08
- DrStone
- Membre
- Inscription : 07-01-2024
- Messages : 209
Re : La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
Bonjour Borassus.
N'ayant pas beaucoup de temps pour répondre à toutes tes remarques, je me permets de rapidement répondre à ce passage :
Je peux vous assurer que ces mathématiques narratives, et non démonstratives, sont autrement plus intéressantes pour les élèves que les démonstrations barbantes vues en classe !
Sauf que ce n'est alors plus de la Mathématique ! La Mathématique est la science de la démonstration par excellence dans laquelle on applique des raisonnements logiques sur des objets abstraits.
Se plaindre qu'on ne puisse pas se contenter d'utiliser un triangle ou des équations quadratiques comme ça et qu'il faille à un moment ou un autre y réaliser des démonstrations afin d'arrêter d'être aussi passif que devant un épisode de C'est Pas Sorcier de sorte à pouvoir comprendre en profondeur les notions utilisées revient, selon moi, à se plaindre que pour parler une langue on ne puisse pas se contenter d'apprendre du vocabulaire et qu'il faille y apprendre de la grammaire afin de former des phrases intelligibles. Pour une personne comme toi qui a fait quelques années de russe à l'université (et qui même sans cela comprend et parle plusieurs langues), cela devrait pourtant paraitre évident, non ?
Dernière modification par DrStone (17-03-2024 15:54:33)
Hors ligne
#8 17-03-2024 16:38:45
- DrStone
- Membre
- Inscription : 07-01-2024
- Messages : 209
Re : La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
Petite précision : je ne suis pas contre faire de la vulgarisation mathématique au primaire et peut-être même au collège. C'est selon moi un bon moyen d'attirer les élèves vers des sujets intéressants et complexes.
Mais pour une personne qui critique régulièrement les cours des manuels et profs actuels en les qualifiant presque de vastes blagues dans lesquelles on ne fait pas de mathématique mais des coloriages et qui considère qu'on peut enseigner des notions de mathématiques du supérieur dès le lycée, je trouve la position défendue dans ton dernier post quelque peu… étrange… Borassus a-t-il été remplacé au cours de la nuit ?
Alors oui, les Queysanne-Revuz sont extrêmement rêches et abstraits avec des démonstrations dans tous les sens : c'est ce que j'ai indiqué en signalant qu'ils étaient maximalistes dans leur approche. Si tu veux, voici le même chapitre tiré du manuel de terminales C(D)E de Maurice Monge (que j'ai réussi a trouvé scanné sur le net, lui aussi, car pour le coup, je ne l'ai pas et je n'aurais pas pu te le montrer autrement) : https://www.cjoint.com/doc/24_03/NCroHk … -Monge.pdf. Même programme, mêmes impératifs mais absolument pas la même manière de transmettre les connaissances : chez Queysanne-Revuz on veut former de futurs mathématiciens (profs, chercheurs…) alors que chez Maurice Monge on souhaite déjà que les élèves aient leur bac tout en ayant une formation initiale de bonne facture.
Dernière modification par DrStone (17-03-2024 16:52:29)
Hors ligne
#9 17-03-2024 23:06:04
- Borassus
- Membre
- Lieu : Boulogne-Billancourt
- Inscription : 07-02-2023
- Messages : 728
Re : La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
Bonsoir très cher contradicteur :-), bonsoir aussi à tous,
Sauf que ce n'est alors plus de la Mathématique ! La Mathématique est la science de la démonstration par excellence dans laquelle on applique des raisonnements logiques sur des objets abstraits.
Je n'ai absolument pas dit qu'il ne faut pas démontrer, et démontrer avec rigueur et un enchaînement soigné. !
On peut d'ailleurs mener une démonstration brillante, dans n'importe quel domaine, en ayant très peu pratiqué La Mathématique, et même en ayant pour elle une aversion profonde.
Inversement, ce n'est pas parce qu'on a longuement pratiqué cette noble science qu'on est en mesure de mener un raisonnement rigoureux et parfaitement structuré.
Ce à quoi je suis opposé, c'est la démonstration systématique, imposée, de chaque notion, de chaque concept, de chaque théorème, de chaque propriété.
Par ce que je vois quotidiennement — puis-je te faire remarquer que ma présence quotidienne, souvent dimanche compris, auprès de lycéens (et, dans une moindre mesure, de collégiens) me fournit un très bon poste d'observation, aussi bien du niveau de compréhension des élèves que, par notes de cours ou polycopiés interposés, des qualités pédagogiques des professeurs, qu'il s'agisse de lycées de quartier ou de lycées prestigieux ? —, cette démonstratite ne permet absolument pas à mes élèves de comprendre les notions et concepts exposés.
Ce n'est pas parce qu'une notion est démontrée qu'elle est comprise, loin s'en faut !!
(Le point dur traditionnel que je rencontre est le produit scalaire. Presqu'à chaque fois je suis accueilli par « On a vu le produit scalaire. Je n'ai rien compris ! » )
Les élèves peuvent très bien croire sur parole, sans démonstration !
Par contre, ils ont besoin de comprendre le sens de telle notion, quand tel ou tel théorème peut ou doit être utilisé, et quand il ne peut être utilisé, selon quelle phraséologie, les erreurs à ne pas commettre, les oublis auxquels il faut faire attention...
Autrement dit, ils veulent comprendre les "règles syntaxiques et grammaticales" du langage mathématique qu'on leur demande d'appliquer afin d'élaborer par eux-mêmes des démonstrations les plus soignées possible. Et, crois-moi, ils ont, à quelques exceptions près, plaisir à bien rédiger une démonstration !
A propos de langue, je martèle en permanence que la matière la plus importante en maths est le français, et qu'une phrase de démonstration mélange parties en français et parties purement mathématiques, avec les mêmes structures grammaticales, et les mêmes transitions que dans l'écriture en français seul. Ils le voient d'ailleurs très concrètement dans les nombreux documents que je rédige avec soin à leur intention.
(J'aimerais d'ailleurs bien trouver dans les corrigés rédigés par les profs le même souci de rédaction attentive à la bonne compréhension par leurs élèves. Je ne sais combien de fois nous avons dû déchiffrer à deux le corrigé d'un prof...)
A condition qu'elle soit gênante, l'incompréhension est la clé de la compréhension.
« Pourquoi ? » est sans doute le principal moteur de la connaissance.
L'exigence précède l'expérience.
Hors ligne
#10 17-03-2024 23:29:23
- Borassus
- Membre
- Lieu : Boulogne-Billancourt
- Inscription : 07-02-2023
- Messages : 728
Re : La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
je ne suis pas contre faire de la vulgarisation mathématique
Je ne pense pas du tout faire de la vulgarisation mathématique, et ne sais pas le faire.
Je veux simplement montrer qu'une fois la logique d'une notion réellement comprise, elle peut être appliquée beaucoup plus loin que le niveau officiel de l'élève. Je t'assure que l'élève est plus que fier de se voir résoudre facilement un exercice bien au-dessus de ce qu'il voit en classe !
Ce n'est donc pas de la vulgarisation, mais bien un message concret et motivant disant « Tu vois, ce n'est pas parce que c'est étudié dans une classe (nettement) supérieure à la tienne que c'est forcément plus difficile ! »
Mais pour une personne qui critique régulièrement les cours des manuels et profs actuels en les qualifiant presque de vastes blagues dans lesquelles on ne fait pas de mathématique mais des coloriages
Je n'ai pas souvenir d'avoir utilisé le terme "coloriage", terme que, par contre, tu as utilisé dans un de tes posts, et auquel je n'adhère pas vraiment.
Et je n'ai, semble-t-il, jamais parlé de "vastes blagues", ou de quelque chose d'approchant.
Les reproches que je fais ne sont pas de cet ordre, ou de cette tonalité. Je suis désolé si j'ai pu donner cette impression.
Certes, mais c'est le principe même du manuel démonstratif que je réfute.
Sans doute par indigestion...
A condition qu'elle soit gênante, l'incompréhension est la clé de la compréhension.
« Pourquoi ? » est sans doute le principal moteur de la connaissance.
L'exigence précède l'expérience.
Hors ligne
#11 18-03-2024 00:32:52
- DrStone
- Membre
- Inscription : 07-01-2024
- Messages : 209
Re : La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
Bonsoir Borassus.
Il me semble que nous sommes victimes d'incompréhensions réciproques.
Je n'ai absolument pas dit qu'il ne faut pas démontrer, et démontrer avec rigueur et un enchaînement soigné !
De même que je n'ai absolument pas écrit qu'il faut absolument tout démontrer ! Enfin, ça dépend quoi et à quel niveau. Prenons quelques exemples tirés de mon époque, que j'approuve ou désapprouve.
Commençons parce que j'approuve : Les structures algébriques dès la quatrième. Pourquoi ? Car connaitre les structures algébriques telles que la structure de groupe ou de corps des réels et leurs propriétés associées, au point d'être en mesure de démontrer que $(\mathbf{D},+)$ est un groupe commutatif ou que $(\mathbf{Z},+,\times)$ est un anneau commutatif, permet notamment la démonstration des identités usuelles/remarquables en quatrième, dont j'ai déjà parlé, ainsi que de comprendre celles-ci, et cela bien mieux que toutes les tentatives que tu pourrais imaginer (en permutant l'ordre des termes par exemples). Tu vas de demander : pourquoi ?
Eh bien… pour cette phrase !
«Ce n'est pas parce qu'une notion est démontrée qu'elle est comprise, loin s'en faut !!»
Bien sûr ! La démonstration seule n'est pas suffisante ! Je n'ai jamais écrit ça. En revanche, un enfant qui sait montrer que $(\mathbf{R}, +, \times)$ est un corps devrait réussir sans trop de problème à démontrer de lui-même que
$$\begin{align} (a+b)^2 & = (a+b)(a+b) & \text{par définition} \\ & = a(a+b)+b(a+b) & \text{la multiplication est distributive par rapport à l'addition} \\ & = (a^2+ab)+(ba+b^2) & \text{la multiplication est distributive par rapport à l'addition} \\ & =a^2+(ab+ba)+b^2 & \text{l'addition est associative} \\ & = a^2+(ab+ab)+b^2 & \text{l'addition est commutative} \\ & = a^2+2ab+b^2 \\ \end{align}$$
pour laquelle il faut maitriser de nombreuses notions sur les nombres réels (/relatifs/décimaux/rationnels…) : distributivité de la multiplication sur l'addition, l'associativité, la commutativité et même le calcul littéral. Il me semble qu'un élève qui est capable de démontrer cette relation, peut résoudre n'importe quel exercice s'y rapportant et peu aussi, par la force des choses, démontrer toutes les autres relations : $(a+b)(a-b)=a^2+b^2$, $(a-b)^2=a^2-2ab+b^2$, ainsi que leur pendant en degré $3$, $4$, $5$…
Il me semble d'ailleurs que d'avoir un aperçu tôt des structures mathématiques est aujourd'hui, plus que jamais, important car cela permet de beaucoup mieux appréhender les structures de données si omniprésentes et utiles en informatique.
Comme tu peux le constater, il ne s'agit pas d'aller démontrer l'existence de l'ensemble des réels !
Parmi les choses que je désapprouve on trouve par exemple la construction des entiers relatifs dès la cinquième… c'était n'importe quoi. On trouve aussi des notions trop générales, même dans le contexte de l'époque, comme l'introduction des barycentres en quatrième ou encore les isométries du plan euclidien dès la troisième. C'est très bien tout ça, mais c'était un peu trop.
Pour nous recentrer un peu sur le sujet «doit-on tout démontrer» ou «peut-on démontrer ce qui nous chante», je fais partie de l'École qui considère que si on se trouve dans une axiomatique donnée, alors on démontre tout ; y compris au collège. Pourquoi ? Parce que c'est l'essence même de La Mathématique : affirmer des choses vraies et le démontrer. C'est ce qui nous permet de passer de «ça semble vraisemblable» à «c'est vrai, j'en suis sûr et certain». Ce n'est pas pour rien que les exercices de mathématiques ou les concours de mathématiques (pas juste des grandes écoles mais y compris le concours Kangourou, les Olympiades, le Concours Général…) ont quasiment tous les mêmes types de questions : «démontrer/montrer que…»
Tu le fais toi-même, lorsque tu pioches des exercices dans ton livre russe : ils sont tous de la forme «montrer»/«démontrer».
« Démontrer que pour tout entier naturel $n$, le nombre $n^5 - 5n^3 + 4n$ est divisible par 2, par 3, par 4, par 5, par 6 et par 8. »
Si tu ne veux pas tout montrer, libre à toi. Tu as le droit ; dans ce cas, tu n'appelles pas ta propriété «propriété» ou «théorème» mais «axiome» ou encore «scolie». Même durant ma folle époque c'était fait de temps en temps ; par exemple le théorème de Thalès, indémontrable en quatrième, était un axiome «L'axiome de Thalès», mais plus tard, démontrable en seconde, devenait un théorème «Théorème de Thalès».
Le problème de nos jours est qu'on brouille cette distinction importante entre propriété/théorème et axiome en affirmant auprès des élèves des choses sans les démontrer… et les élèves se retrouvent de fait à ne plus faire de Mathématique. C'est selon moi absurde et c'est la seule matière qui est traité de la sorte ! Irait-on faire apprendre l'allemand aux élèves sans faire de grammaire ? Irait-on faire faire de la physique aux élèves sans leur faire comprendre le sens physique de ce qu'ils étudient ? Irait-on leur faire faire de l'histoire aux élèves sans leur expliquer le contexte historique et géopolitique qui se cache derrière les dates phares ? Alors tu me diras que beaucoup se contentent d'apprendre que Marignan c'est en 1515 ou encore que $\Delta=b^2-4ac$… d'accord… mais ces personnes-là n'ont rien compris à Marignan ou au discriminant d'une équation quadratique.
Dernière modification par DrStone (18-03-2024 00:33:12)
Hors ligne
#12 18-03-2024 01:02:32
- DrStone
- Membre
- Inscription : 07-01-2024
- Messages : 209
Re : La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
« On a vu le produit scalaire. Je n'ai rien compris ! »
Mais pourquoi ils n'ont rien compris ? M'est avis que ce n'est pas la faute d'une démonstration… inexistante. Non, selon moi ils n'ont rien compris justement parce que le cours est mal construit, manque de démonstrations, manque de notions importantes en amont… manque de tout !
Par contre, ils ont besoin de comprendre le sens de telle notion, quand tel ou tel théorème peut ou doit être utilisé, et quand il ne peut être utilisé, selon quelle phraséologie, les erreurs à ne pas commettre, les oublis auxquels il faut faire attention...
Je veux bien te croire, ça me semble évident. Mais ça n'empêche pas de faire des démonstrations ! Tu peux faire comprendre le sens d'une dilatation du plan vectoriel (c'est une translation : tu peux l'imager par un train qui avance sur des rails ; mais c'est aussi une homothétie et tu peux évoquer le zoom et le dézoom sur un smartphone : rien de plus concret pour les jeunes générations) tout en démontrant que l'ensemble de toutes les dilations dudit plan est un groupe $(\mathscr{D},\circ)$. L'un n'empêche pas l'autre !
Autrement dit, ils veulent comprendre les "règles syntaxiques et grammaticales" du langage mathématique qu'on leur demande d'appliquer afin d'élaborer par eux-mêmes des démonstrations les plus soignées possible.
C'est bien beau d'apprendre les "règles syntaxiques et grammaticales" du langage mathématique… mais si à aucun moment ou presque tu ne donnes de démonstration, comment l'élève est censé savoir comment les construire ? Non parce que ce n'est pas juste les quelques rares "démonstrations" consistant à montrer que $z\overline{z}=a^2+b^2$ qui vont aider nos pauvres jeunes âmes en perdition.
cette démonstratite ne permet absolument pas à mes élèves de comprendre les notions et concepts exposés.
La démonstratite absolue comme tu l'appelles n'est pas initialement pas là pour aider les élèves (enfin si, un peu : elle donne des éléments de résolutions d'exercices : tu peux alors calquer les démonstrations pour résoudre tes exercices) mais bien pour leur dire : ce que tu apprends, là tout de suite, c'est vrai, on ne peut plus vrai, et voilà pourquoi ; ainsi que : c'est ça les maths ! On est pas dans Des Chiffres et Des Lettres. J'irais même plus loin en disant : c'est ça la science !
Refuser ça, ce serait comme refuser d'argumenter en philosophie sous prétexte que les élèves ne vont rien comprendre… sauf que la philosophie, même si c'est de cette manière qu'elle est enseignée en terminale, ce n'est pas du français maquillé par des grands philosophes. Non, la philosophie c'est, si je puis faire l'analogie, de la mathématique appliquée au quotidien. Tu argumentes en faveur ou en défaveur de telle ou telle notion (l'amour, la justice, la république, le droit, les devoirs…), en réalisant des arguments logiques qui s'enchainent et que tu peux appuyer par les écrits de tel ou tel philosophe passé par là avant toi ; de même que tu le fais en mathématique ! (Heureusement… imagine devoir faire de la Topologie Algébrique en devant tout redémontrer toi-même depuis les prémisses de la théorie des ensembles !)
Je t'assure que l'élève est plus que fier de se voir résoudre facilement un exercice bien au-dessus de ce qu'il voit en classe
Je n'en doute pas ! Mais ton élève, il ne fait pas de Mathématique ! Il fait joujou avec des légos qu'il essaie d'assembler ensemble pour créer une maison un peu moche et de toutes les couleurs
où chaque pièce représente une notion mal définie, mal dégrossie et dont il ne maitrise ni les tenants, ni les aboutissants. Chose qui arrive moins fréquemment lorsque tu es capable de démontrer tes propriétés : tu dois en effet comprendre chaque terme de l'énoncé, pourquoi ils sont là et qu'est-ce qu'ils apportent, afin de correctement démontrer un théorème.
Hors ligne
#13 18-03-2024 01:09:46
- DrStone
- Membre
- Inscription : 07-01-2024
- Messages : 209
Re : La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
Les reproches que je fais ne sont pas de cet ordre, ou de cette tonalité. Je suis désolé si j'ai pu donner cette impression.
Certes, mais c'est le principe même du manuel démonstratif que je réfute.
Sans doute par indigestion...
Ce n'est pas ce que tu as explicitement dit (c'est en effet moi qui aie employé ces termes), raison pour laquelle j'ai employé le mot "presque" : car, c'est en effet l'impression que tu donnes. ^_^ Surtout que tu râles contre eux toutes les semaines depuis que je suis arrivé sur le présent forum. :=)
J'ai encore beaucoup à dire sur tes deux posts mais il se fait tard du coup je reprendrai demain ! Particulièrement concernant le fait qu'on est victimes d'incompréhensions réciproques ! (Je voulais le garder pour la fin, mais ça prend bien plus de temps que je ne l'aurais imaginé d'écrire des posts aussi longs ! :=))
Dernière modification par DrStone (18-03-2024 01:10:03)
Hors ligne
#14 18-03-2024 01:18:42
- Borassus
- Membre
- Lieu : Boulogne-Billancourt
- Inscription : 07-02-2023
- Messages : 728
Re : La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
la multiplication est distributive par rapport à l'addition
Je demande parfois d'écrire la distributivité de l'opération "triangle" par rapport à l'opération "rond", et inversement.
Sans évoquer le concept de corps, dont je serais bien en mal de réciter les caractéristiques. Pas plus que celles d'un anneau.
Tout simplement parce que je n'en ai pas du tout besoin dans ma relation avec mes élèves.
Et le fait de ne pas savoir ce qu'est un groupe, un anneau, ou un corps ne les empêche absolument pas d'effectuer des développements, même avec de nombreux termes. C'est alors l'attention qui est sollicitée, pas la compréhension des concepts de base qui de toute façon sont assimilés, même si c'est superficiellement.
Sinon, rassure-toi, je leur apprends à démontrer quand il leur est demandé de démontrer.
Mais je ne les gave pas de démonstrations lorsqu'elles ne sont pas nécessaires.
Je le répète, ils peuvent acquérir une compréhension de fond bien plus consistante qu'avec des démonstrations qui leur sont imposées.
Et j'entends souvent « Pourquoi on ne nous explique pas cela ? C'est bien plus clair ! »
Parmi les choses que je désapprouve on trouve par exemple la construction des entiers relatifs dès la cinquième… c'était n'importe quoi.
Ah ??
Je n'ai vraiment pas l'impression que cela les perturbe.
A condition qu'elle soit gênante, l'incompréhension est la clé de la compréhension.
« Pourquoi ? » est sans doute le principal moteur de la connaissance.
L'exigence précède l'expérience.
Hors ligne
#15 18-03-2024 01:25:54
- DrStone
- Membre
- Inscription : 07-01-2024
- Messages : 209
Re : La mystérieuse fonction f telle que f(0) = 1 et f '(x) = f(x)
Très rapidement avant d'aller dormir : je parle de la construction de l'ensemble des entiers relatifs comme ensemble quotient $\frac{\mathbf{N}\times\mathbf{N}}{\mathcal{R}}$ où $\mathcal{R}$ est la relation d'équivalence telle que $(a,b)$ est en relation avec $(a',b')$
si $a\ge b, a'\ge b'$ et $a-b=a'-b'$
ou si $a\le b, a'\le b'$ et $b-a=b'-a'$
Dernière modification par DrStone (18-03-2024 01:29:15)
Hors ligne