John Napier (1er février 1550 [Edimbourgh] - 4 avril 1617 [Edimbourgh])
John Napier, peut-être plus connu en France sous le nom de Neper, a laissé son nom dans la postérité mathématique en raison de son invention des logarithmes. Né en 1550, il est issu d'une riche famille écossaise, et deviendra lui-même baron de Merchiston. A 13 ans, il est envoyé à l'Université de Saint-Andrews, dont les archives révèlent qu'il n'y a obtenu aucun diplôme. On pense qu'il a poursuivi ses études quelque part sur le continent, peut-être à Paris ou en Italie.
En 1571, il est de retour en Ecosse pour le remariage de son père, et lui-même se marie en 1572. Deux ans plus tard, il s'établit dans un château nouvellement bâti sur les terres familiales. Il gère activement sa propriété, commerce beaucoup, et développe une approche scientifique de l'agriculture.
Pour ses contemporains, John Napier est avant tout un théologien. Il est un fervent protestant, et cette religion lui paraît menacée en Ecosse par les agissements du roi Philippe d'Espagne qui est catholique. Ce dernier semble conspirer avec le pape afin d'envahir l'Écosse dans le but de conquérir la Grande-Bretagne toute entière. Napier met en garde le roi Jacques VI d'Ecosse contre toute collusion avec l'ennemi. Il écrit aussi en 1593 son ouvrage le plus célèbre, a Plaine Discovery of the Whole Revelation of Saint John. Il y fait un commentaire du livre de l'Apocalypse de St-Jean où il condamne vivement l'Eglise de Rome, faisant même du pape l'Antéchrist annoncé dans ce livre. Cet ouvrage lui vaudra une certaine réputation jusque sur le continent.
Les activités mathématiques ne constituaient donc qu'un passe-temps pour Neper. Il a donné quelques formules en trigonométrie sphérique, et il a popularisé, dans la notation d'un nombre en écriture décimale, l'emploi du point pour séparer la partie entière et la partie fractionnaire. Surtout, il s'intéresse avec passion à trouver des méthodes pour effectuer simplement et rapidement des multiplications, des divisions et des extractions de racines carrées de grands nombres. Cela le conduit d'une part à l'invention des os de Neper, des petits bâtons de bois sur lesquels sont inscrits les tables de multiplication, et qui permettent de simplifier ces opérations. Surtout, cela le conduit à l'invention des logarithmes.
L'approche des logarithmes de Napier est cinématique. Il considère un mobile $M$ qui parcourt un segment $[AB]$ de longueur $10^7\ m$. Il démarre du point $A$ et s'en va vers $B$ à une vitesse égale à la distance $MB$ par heure. Au même moment, un mobile $M'$ part d'un autre point $A',$ et avance à une vitesse uniforme égale à $10^7$ m/h. On note $x$ la longueur $BM$, $y$ la longueur $A'M'.$ Napier constate que, si on prend des intervalles de temps régulièrement répétés, $x$ croît en progression géométrique, et $y$ croît en progression arithmétique : il dit que $y$ est le logarithme de $x$. Avec des notations modernes, on a en effet $$y=-10^7 \ln\left(\frac{x}{10^7}\right)$$ puisque $y(t)=10^7 t$ et que $x$ est solution de l'équation différentielle $$x'(t)=-x(t),\ x(0)=10^7$$ dont la seule solution est $$x(t)=10^7\exp(-10^7 t).$$
Le logarithme transforme donc multiplications en additions, racines carrées en division par 2... Napier publie son invention dans Mirifici logarithmorum canonis descriptio (description de la règle magnifique des logarithmes). Ce livre est lu par Briggs, un mathématicien anglais, qui entreprend à l'été 1615 le voyage à Edimbourg, et persuade Napier d'utiliser des logarithmes en base 10, vérifiant log(1)=0. C'est Briggs qui publia des tables très complètes de ces logarithmes, car Napier s'éteint le 4 avril 1617, apparemment des suites d'une crise de goutte. Les logarithmes se propageront très rapidement, sous l'impulsion des astronomes comme des commerçants. Deux cents ans après leur invention, Laplace dira que les logarithmes, en abrégeant leurs labeurs, "doublait la vie des astronomes".
Terminons cette biographie par une petite anecdote. Dans ces temps un peu irrationnels, les esprits brillants comme Napier étaient souvent vus comme des magiciens. La légende rapporte que, confronté à des problèmes de vols, Napier aurait annoncé pouvoir reconnaître le voleur parmi ses serviteurs grâce à son coq magique. Chaque serviteur est envoyé dans une pièce obscure caresser l'animal. Napier l'a malicieusement enduit de suie noire et le voleur, qui n'ose caresser le coq de peur d'être démasqué, est le seul à revenir la main propre !