$$\newcommand{\mtn}{\mathbb{N}}\newcommand{\mtns}{\mathbb{N}^*}\newcommand{\mtz}{\mathbb{Z}}\newcommand{\mtr}{\mathbb{R}}\newcommand{\mtk}{\mathbb{K}}\newcommand{\mtq}{\mathbb{Q}}\newcommand{\mtc}{\mathbb{C}}\newcommand{\mch}{\mathcal{H}}\newcommand{\mcp}{\mathcal{P}}\newcommand{\mcb}{\mathcal{B}}\newcommand{\mcl}{\mathcal{L}} \newcommand{\mcm}{\mathcal{M}}\newcommand{\mcc}{\mathcal{C}} \newcommand{\mcmn}{\mathcal{M}}\newcommand{\mcmnr}{\mathcal{M}_n(\mtr)} \newcommand{\mcmnk}{\mathcal{M}_n(\mtk)}\newcommand{\mcsn}{\mathcal{S}_n} \newcommand{\mcs}{\mathcal{S}}\newcommand{\mcd}{\mathcal{D}} \newcommand{\mcsns}{\mathcal{S}_n^{++}}\newcommand{\glnk}{GL_n(\mtk)} \newcommand{\mnr}{\mathcal{M}_n(\mtr)}\DeclareMathOperator{\ch}{ch} \DeclareMathOperator{\sh}{sh}\DeclareMathOperator{\th}{th} \DeclareMathOperator{\vect}{vect}\DeclareMathOperator{\card}{card} \DeclareMathOperator{\comat}{comat}\DeclareMathOperator{\imv}{Im} \DeclareMathOperator{\rang}{rg}\DeclareMathOperator{\Fr}{Fr} \DeclareMathOperator{\diam}{diam}\DeclareMathOperator{\supp}{supp} \newcommand{\veps}{\varepsilon}\newcommand{\mcu}{\mathcal{U}} \newcommand{\mcun}{\mcu_n}\newcommand{\dis}{\displaystyle} \newcommand{\croouv}{[\![}\newcommand{\crofer}{]\!]} \newcommand{\rab}{\mathcal{R}(a,b)}\newcommand{\pss}[2]{\langle #1,#2\rangle} $$
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Théorème de Fubini

Les théorèmes de Fubini et de Tonelli sont des théorèmes qui permettent de changer les ordres d'intégration dans les calculs d'intégrales de fonctions dépendant de plusieurs variables. Il en existe différentes versions.

Sur les segments
Théorème (Fubini) : Soit $f$ une fonction continue sur $[a,b]×[c,d]$ à valeurs dans $\mathbb C.$ Alors $$\int_a^b \left(\int_c^d f(x,y)dy\right)dx= \int_c^d \left(\int_a^b f(x,y)dx\right)dy.$$
Dans des espaces mesurés

Soit $(\Omega,\mathcal B,\mu)$ et $(\Omega',\mathcal B',\nu)$ des espaces mesurés $\sigma$-finis (on pourra penser à des ouverts de $\mathbb R^n$ par exemple munis de la mesure de Lebesgue).

Théorème (Tonelli) : Soit $f:\Omega\times\Omega'\to [0,+\infty]$ mesurable. Alors :
  • Pour tout $x\in\Omega,$ $y\mapsto f(x,y)$ est $\mathcal B'$-mesurable et $x\mapsto \int_{\Omega'}f(x,y)d\nu(y)$ est $\mathcal B$-mesurable.
  • Pour tout $y\in\Omega',$ $x\mapsto f(x,y)$ est $\mathcal B$-mesurable et $y\mapsto \int_{\Omega'}f(x,y)d\mu(x)$ est $\mathcal B'$-mesurable.
En outre on a $$\int_{\Omega\times\Omega'}f(x,y)d(\mu\otimes\nu)(x,y)=\int_{\Omega}\left(\int_{\Omega'}f(x,y)d\nu(y)\right)d\mu(x)= \int_{\Omega'}\left(\int_{\Omega}f(x,y)d\mu(x)\right)d\nu(y)$$ où $\mu\otimes\nu$ est la mesure produit.

Une conséquence du théorème de Tonelli est que si on considère $f:\Omega\times\Omega'\to\mathbb R$ mesurable et si l'on a $$\int_{\Omega}\left(\int_{\Omega'}f(x,y)d\nu(y)\right)d\mu(x)<+\infty$$ ou $$\int_{\Omega'}\left(\int_{\Omega}f(x,y)d\mu(x)\right)d\nu(y),$$ alors $f$ est intégrable sur $\Omega\times \Omega'$ par rapport à la mesure produit $\mu\otimes\nu.$

Théorème (Fubini) : Soit $f\in L^1(\Omega\times\Omega',\mu\otimes\nu)$. Alors :
  • La fonction $x\mapsto \int_{\Omega'}f(x,y)d\nu(y)$ est définie pour presque tout $x$ et est dans $L^1(\Omega).$
  • La fonction $y\mapsto \int_{\Omega'}f(x,y)d\mu(x)$ est définie pour presque tout $y$ et est dans $L^1(\Omega').$
En outre on a $$\int_{\Omega\times\Omega'}f(x,y)d(\mu\otimes\nu)(x,y)=\int_{\Omega}\left(\int_{\Omega'}f(x,y)d\nu(y)\right)d\mu(x)= \int_{\Omega'}\left(\int_{\Omega}f(x,y)d\mu(x)\right)d\nu(y)$$ où $\mu\otimes\nu$ est la mesure produit.

Alors que le théorème de Tonelli n'est vrai que pour des mesures $\sigma$-finies, le théorème de Fubini est encore valable lorsque les espaces mesurés sont complets (c'est-à-dire que tous les ensembles négligeables sont mesurables). Dans ce cas, on n'a pas forcément unicité de la mesure produit, et on peut utiliser dans l'énoncé précédent toute mesure produit.

Un contre-exemple

Le contre-exemple suivant prouve qu'il faut des hypothèses pour pouvoir permuter les intégrales. Considérons $f:]0,1[\times]0,1[\to\mathbb R$ définie par, pour $(x,y)\in]0,1[^2,$ $$f(x,y)=\frac{(x^2-y^2)}{(x^2+y^2)^2}.$$ Alors \begin{align*} \int_0^1 \left(\int_0^1 f(x,y)dy\right)dx&=\int_0^1\left(\int_0^1 \frac{x^2-y^2}{(x^2+y^2)^2}dy\right)dx\\ &=\int_0^1 \left[\frac{y}{x^2+y^2}\right]_0^1 dx\\ &=\int_0^1 \frac{1}{x^2+1}dx\\ &=\frac{\pi}4. \end{align*} Par symétrie des rôles joués par $x$ et $y,$ on va trouver \begin{align*} \int_0^1 \left(\int_0^1 f(x,y)dx\right)dy=-\frac{\pi}4 \end{align*} et donc $$\int_0^1\int_0^1 f(x,y)dydx \neq \int_0^1 \int_0^1 f(x,y)dxdy.$$ Le problème ici est que $f$ n'est pas élément de $L^1([0,1]^2)$. En effet, si on calcule avec des valeurs absolues, on trouve que \begin{align*} \int_0^1 \left(\int_0^1 |f(x,y)|dy\right)dx&=\int_0^1\left(\int_0^1 \frac{|x^2-y^2|}{(x^2+y^2)^2}dy\right)dx\\ &=\int_0^1\left(\int_0^x \frac{x^2-y^2}{(x^2+y^2)^2}dy+\int_x^1 \frac{y^2-x^2}{(x^2+y^2)^2}dy\right)dx\\ &=\int_0^1\left(\left[\frac{y}{x^2+y^2}\right]_0^x +\left[\frac{-y}{x^2+y^2}\right]_x^1\right)dx\\ &=\int_0^1 \left(\frac 1x-\frac 1{x^2+1}\right)dx\\ &=+\infty \end{align*} puisque la fonction $x\mapsto 1/x$ n'est pas intégrable au voisinage de $0.$

Le problème d'interversion de l'ordre d'intégration s'est posé dès l'apparition des fonctions de plusieurs variables au début du XVIIIè siècle. Des mathématiciens comme Euler, Cauchy, Lagrange et Laplace s'y sont penchés. Pour en avoir une justification rigoureuse, il faut déjà un cadre formel à la théorie de l'intégration. Pour l'intégrale de Riemann, c'est le mathématicien autrichien Otto Stolz qui établit en 1886 un théorème d'interversion des intégrales doubles.

Lorsque Lebesgue définit en 1903 une nouvelle intégrale, la justification de l'interversion dans ce nouveau cadre se pose. Fubini y répond en 1907 (dans le cas des domaines du plan) en démontrant que cela est possible si la fonction est intégrable (en tant que fonction de deux variables). Quatre ans plus tard, il démontre une condition suffisante pour qu'une fonction soit intégrable sur $[a,b]\times [c,d]$ : il suffit que $$\int_a^b \left(\int_c^d |f(x,y)|dy\right)dx<+\infty.$$ En réalité, Tonelli avait déjà démontré ce résultat entretemps, en 1909.

Source : Biographie des grands théorèmes par B. Hauchecorne.

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