Cryptographie!

Le chiffre de César


  Le chiffre de César est une des méthodes de cryptographie les plus anciennes. Il consiste en une substitution mono-alphabétique, où la substitution est simplement définie par un décalage de lettres. Par exemple, si on décide de remplacer A par D, alors ensuite on remplace B par E, C par F, D par G, etc... Ainsi, à partir de ce décalage de trois lettres, on obtient le tableau suivant :

Texte clairABCDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZ
Texte codéDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZABC

Le texte que nous souhaitons coder est le suivant :
JE LEVAI LES YEUX VERS LE SOLEIL IL ETAIT BAS ; DANS MOINS D'UNE HEURE IL ARRIVERAIT JUSTE AU-DESSUS DES BRANCHES SUPERIEURES DU VIEUX CHENE.
Le texte codé est alors :
MH OHYDL OHV BHXA YHUV OH VROHLO LO HWDLW EDV ; GDQV PRLQV G'XQH KHXUH LO DUULYHUDLW MXVWH DX-GHVVXV GHV EUDQFKHV VXSHULHXUHV GX YLHXA FKHQH.
  Il n'y a que 26 façons différentes de crypter un message avec le code de César. Cela en fait donc un code très peu sûr, puisqu'il est très facile de tester de façon exhaustive toutes les possibilités. Pourtant, en raison de sa grande simplicité, le code de César fut encore employé par les officiers sudistes pendant la guerre de Sécession, et même par l'armée russe en 1915.

  On sait que César utilisait ce code car Suétone (écrivain Romain, 70-127), en fait une description dans La vie des 12 Césars, une biographie des 12 premiers empereurs de Rome. César employait également une méthode de stéganographie originale. Pour transmettre un message, il rasait la tête d'un esclave, inscrivait le message sur son crâne, attendait la repousse des cheveux, et envoyait l'esclave... Avec ce procédé qui peut prendre des mois, on est bien loin des impératifs de vitesse actuels! Voici le texte latin et sa traduction française du livre Premier de l'oeuvre de Suétone, paragraphe LVI - on peut trouver toute l'oeuvre à la Bibliotheca Classica Selecta - :

Extant et ad Ciceronem, item ad familiares domesticis de rebus, in quibus, si qua occultius perferenda erant, per notas scripsit, id est sic structo litterarum ordine, ut nullum uerbum effici posset: quae si qui inuestigare et persequi uelit, quartam elementorum litteram, id est D pro A et perinde reliquas commutet. On possède enfin de César des lettres à Cicéron, et sa correspondance avec ses amis  sur ses affaires domestiques. Il y employait, pour les choses tout à fait secrètes, une espèce de chiffre qui en rendait le sens inintelligible (les  lettres étant disposées de manière à ne pouvoir jamais former un mot), et qui consistait, je le dis pour ceux qui voudront les déchiffrer, à changer le rang des lettres dans l'alphabet, en écrivant la quatrième pour la première, c'est-à-dire le D pour l'A, et ainsi de suite.

  De façon insolite, le code de César a été réemployé notamment au début d'internet et des forums, à travers le ROT-13. Le ROT-13 désigne simplement le code de César, où on a choisi une ROTation de 13 lettres (A-->N...). L'idée n'est pas de diffuser des messages cryptés, mais de faire en sorte que le message ne soit pas lu involontairement, par exemple s'il dévoile l'intrigue d'un film ou donne la réponse à une devinette. Les progrès technologiques aidant on préfère maintenant, comme sur le forum de ce site, cacher les informations dans un cadre qui ne devient visible qu'après un clic sur un bouton.

  Remarquons qu'il semble fréquent que César ait utilisé des chiffres de substitution dans ses opérations militaires. Il le raconte ainsi lui-même dans le livre V de la Guerre des Gaules, dans un épisode où il raconte comment il vient prêter main forte à Cicéron, qui est assiégé par les Nerviens :
César approuva le parti qu'il prenait ; au lieu de trois légions sur lesquelles il comptait, il fut réduit à deux, mais il savait que le salut commun ne dépendait que de sa diligence. Il se rend à marches forcées sur les terres des Nerviens. Là, il apprend des prisonniers ce qui se passe au camp de Cicéron, et son extrême danger. Alors il décide, à force de récompenses, un cavalier gaulois à lui porter une lettre : elle était écrite en caractères grecs, afin que les ennemis, s'ils l'interceptaient, ne pussent connaître nos projets. Dans le cas où il ne pourrait parvenir jusqu'à Cicéron, il lui recommande d'attacher la lettre à la courroie de son javelot et de la lancer dans les retranchements du camp. César écrivait que, parti avec les légions, il allait bientôt arriver, et exhortait Cicéron à conserver tout son courage. Dans la crainte du péril, et selon ses instructions, le Gaulois lance son javelot ; il se fiche par hasard dans une tour, y reste deux jours sans être aperçu, et n'est découvert que le troisième par un soldat, qui prend la lettre et la porte à Cicéron. La lecture qui en est faite en présence des soldats excite parmi eux d'unanimes transports de joie. Déjà on voyait la fumée des incendies, et il ne put rester aucun doute sur l'approche des légions.
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