Cryptographie!

Le chiffre UBCHI

Le contexte historique

La tension n'étant jamais retombée depuis la guerre de 1870 entre la France et son voisin germanique, les deux pays se sont préparés à la guerre. Malgré une tradition de cryptologues de grande qualité (comme Kasiski), les Allemands n'ont pas pris conscience de l'importance que la cryptographie va jouer dans la guerre à venir. Les communications radios sont pourtant une arme à double tranchant : elles permettent d'adapter les stratégies à distance et très rapidement. Mais elles peuvent être écoutées par l'ennemi.

C'est ainsi qu'en 1914, le service du chiffre allemand utilise le même système pour toute l'armée, du commandant en chef aux généraux. Se sachant ou se craignant décrypté, une succession de systèmes verra le jour. Mais ils sont tous basés sur des outils très simples (substitution, transposition), et mis en oeuvre de façon si méthodique que cela en facilite le déchiffrement par l'ennemi.

Dans le camp opposé, l'intérêt pour la cryptologie est bien supérieur. Le général Cartier dirige depuis 1912 le service du chiffre et a su s'entourer d'une équipe très compétente. Ainsi, alors que la guerrre n'est pas encore déclarée, grâce à l'espionnage, les Français ont découvert que le chiffre employé par les Allemands était une répétition de deux transpositions, utilisées avec la même clé. Ils lui ont donné le nom de Ubchi, de l'allemand Übung (exercice) et de Chiffre.

Connaître le système de chiffrement ne fait pas tout, il faut aussi pouvoir trouver la clé pour décrypter les messages de l'ennemi. Les Allemands changeaient leur clé toutes les semaines environ. Pour la retrouver, les Français ont mis au point une technique qu'ils peuvent utiliser dès qu'il connaissent trois messages de longueur comparable. Ainsi, alors que la guerre fait rage, ils parviennent semaine après semaine à retrouver les clés (par exemple, celle du 19 août était MAGDEBURG AN DER ELBE), leur donnant une source de renseignements précieuse sur l'ennemi.

La fin de Ubchi

Malheureusement, cette source de renseignements s'éteignit en novembre 1914, à cause des Français eux-mêmes. En effet, à la suite du déchiffrement d'un télégramme, l'armée française avait envoyé des avions bombarder la ville de Thielt, en Belgique occupée, à l'heure précise où l'empereur Guillaume II y faisait son entrée pour passer une revue. Cela aurait pu passer pour une coïncidence pour les Allemands si le journal "Le matin", en dépit de la censure, n'avait pas publié un article indiquant qu'à la suite du déchiffrement d'un télégramme ennemi, la vielle de Thielt avait pu être bombardée. Le lendemain, le 18 novembre 1914, les allemands abandonnent définitivement le chiffre Ubchi pour utiliser le chiffre ABC, qui malheureusement pour eux se révéla encore moins robuste!

Description du chiffre Ubchi

Le chiffre UBCHI est une succession de deux transpositions rectangulaires avec la même clé. Prenons un exemple. Nous voulons chiffrer "ACHEMINEMENT DE MUNITIONS" avec le mot clé VERDUN. On commence par écrire la clé dans un tableau, et on recopie le texte comme ci-dessous. On numérote chaque colonne suivant l'ordre alphabétique des lettres de la clé :

 V  E  R   D   U   N 
 6   2   4   1   5   3 
 A   C   H   E   M   I 
 N   E   M   E   N   T 
 D   E   M   U   N   I 
 T   I   O   N   S 

On transforme ce tableau de la façon suivante : on écrit toujours la clé en première ligne, puis on écrit, en ligne, les colonnes du tableau précédent, dans l'ordre de leur numérotation. On obtient donc (les couleurs permettent de suivre la transformation) :

 V  E  R   D   U   N 
 6   2   4   1   5   3 
 E  E  U  N  C  E 
 E  I  I  T  I  H 
 M  M  O  M  N  N 
 S  A  N  D  T 

Le message chiffré final est obtenu en lisant ce tableau colonne par colonne, dans l'ordre de leur numérotation. Ici, on obtient donc : NTMDE IMAEH NUION CINTE EMS

Le déchiffrement est un tout petit peu plus délicat. Par exemple, si on doit déchiffrer le texte CELFR IFCHE BVIVI HUE avec la clé RADIO, il faut procéder de la façon suivante :

  • On doit d'abord déterminer la taille du tableau de transposition qui a été utilisé. Pour cela, on compte le nombre de lettres du message chiffré, ici 18, et le nombre de lettres de la clé, ici 5. Il faut donc un tableau à 5 colonnes (les lettres de la clé) et 4 lignes, la dernière ligne ne comportant que 3 caractères (il faut que le nombre de cases du tableau soit exactement égal à la longueur du texte). Le tableau utilisé aura donc la forme suivante :

     R  A  D   I   O 
     5   1   2   3   4 

    On complète le tableau précédent en entrant dans la colonne numérotée 1 les premières lettres du message, puis on continue dans la colonne numérotée 2, etc… On obtient donc le tableau

     R  A  D   I   O 
     5   1   2   3   4 
     I  C  R  H  V 
     H  E  I  E  I 
     U  L  F  B  V 
     E  F  C 

  • On recommence la même opération, mais à partir du message intermédiaire donné par ce tableau, c'est-à-dire ici ICRHV HEIEI ULFBV EFC. On obtient donc le tableau :

     R  A  D   I   O 
     5   1   2   3   4 
     V  I  V  E  L 
     E  C  H  I  F 
     F  R  E  U  B 
     C  H  I 

  • Ce dernier tableau donne directement le message clair, ici VIVE LE CHIFFRE UBCHI.
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