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La substitution économique de Delastelle - Le système monôme/binôme

  La substitution économique de Delastelle, aussi appelée système monôme/binôme, est une méthode de chiffrement par substitution inspirée du carré de Polybe. On utilise cette fois un tableau de substitution comme le suivant :

    0   1   2   3   4   5   6   7   8   9 
    A   E   I      S   N   T       R   L 
 3   B   X   U   M      Z   K   H   G   V 
 7   C   F   D   Q   W   Y      O   P   J 

  Lors du chiffrement, certaines lettres sont remplacées par un monôme, c'est-à-dire par un seul chiffre. Ce sont toutes les lettres situées sur la première ligne du tableau. Ainsi, A est chiffré par 0, E est chiffré par 1,… Les autres lettres sont remplacées par des binômes, c'est-à-dire par deux chiffres. Le premier des deux chiffres est donné par le chiffre de ligne, le second par le chiffre de colonne. Ainsi, avec le tableau précédent, U est chiffré par 32, O est chiffré par 77… On doit prendre garde lors de la constitution du tableau à ce que les chiffres de ligne (ici, 3 et 7) ne peuvent pas coder seul une lettre, sinon il y aurait ambigüité lors du déchiffrement. Notons ainsi qu'on dispose de 28 entrées possibles dans le tableau, pour 26 lettres seulement. On peut ainsi éventuellement chiffrer deux autres symboles, comme les espaces, ou un marqueur de début et de fin de nombre.

  Avec le tableau précédent, le mot REPORTAGE sera donc chiffré en 81787 78603 81.

  Pour le déchiffrement, on procède ainsi. On commence par regarder le premier chiffre du message chiffré :
  • s'il s'agit d'un chiffre de ligne, c'est que l'on est en train de déchiffrer un binôme. On prend alors également le second chiffre, et on remplace par la lettre correspondante dans le tableau de chiffrement. On reprend le procédé à partir du 3ème chiffre.
  • s'il ne s'agit pas d'un chiffre de ligne, c'est que l'on est en train de déchiffrer un monôme. On remplace ce seul chiffre par la lettre figurant dans le tableau de correspondance, et on reprend le procédé à partir du 2ème chiffre.
  Par exemple, si on veut déchiffrer, avec le tableau précédent, le message 8772, on procède ainsi. 8 n'est pas un chiffre de ligne, on le remplace par R. Le chiffre suivant, 7, est un chiffre de ligne. On lui adjoint le chiffre suivant, encore un 7, et on remplace le bloc 77 par O. Enfin, le dernier chiffre, 2, n'étant pas un chiffre de ligne, est directement remplacé par I.

  Cette méthode de chiffrement comporte plusieurs avantages.
  • comme le carré de Polybe, elle remplace 26 lettres par 10 chiffres : cette réduction du nombre de symboles utilisé rend l'analyse du code plus difficile;
  • par rapport au carré de Polybe, elle ne double pas la taille des messages, puisque certaines lettres (et si possible, les plus fréquentes) sont remplacées par un seul symbole.
  • elle rend l'analyse des fréquences plus délicate, car on doit analyser monômes et binômes, et on ne sait pas a priori quelles sont les chiffres de lignes choisis. De plus, le fait d'utiliser les lettres les plus courantes dans la première ligne du tableau rend l'analyse des fréquences encore plus difficile, car ceci tend à lisser les différences si on n'étudie que les fréquences des chiffres. Cependant, ce chiffre ne résiste tout de même pas à une analyse fine des fréquences.
  Selon David Kahn, dans son ouvrage célèbre The codebreakers, la première utilisation de cette méthode de chiffrement remonte au seizième siècle, par les cryptologues du pape, la célèbre famille Argenti. Elle fut à nouveau décrite par Félix-Marie Delastelle, cryptologue amateur à la fin du XIXè siècle. Surtout, elle fut utilisée lors de la guerre civile espagnole, entre 1936 et 1939. C'est sans doute les soutiens soviétiques des républicains qui ont introduit cette méthode de chiffrement. En effet, elle fut par la suite reprise et perfectionnée (avec notamment un surchiffrement) par les services secrets soviétiques.
Chiffrez avec la substitution économique de Delastelle
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